Mercredi 5 février, nous avons organisé une conférence sur le thème "L'aménagement global du temps de l'enfant" avec la présence d'Hubert Montagner, éminent psycho-physiologiste et de Claude Centlivre, ancien Inspecteur de l'Education Nationale et maire d'Eguisheim.
Ce que nous en avons retenu en particulier :
Intervention du Pr Montagner
- L'école a été instituée pour les enfants. Elle n'appartient ni aux parents, ni aux enseignants, ni aux élus, ce qui semble complètement échapper aux médias. L'école est le bien commun de la nation. Dans le traitement de l'information concernant cette réforme, on n'entend plus parler des enfants, mais uniquement des contraintes. Il faudrait plus de solidarité, donner aux enfants et aux adolescents la place qui leur revient.Cette initiative de réformer le temps scolaire est approuvée par la communauté scientifique.Ces principes sont défendus depuis 30 ans.2. La vie sociale s'organise autour du donneur de temps qui est rythmé par le jour et la nuit. Il faut aménager le temps des 24 heures pour arriver à aménager le temps scolaire. Il faut tenir compte du couplage fondamental veille/sommeil.Analyse rapide d'une journée :- Entre 6 et 8 heures du matin, temps fort de production des hormones corticostéroïdes qui aident à mobiliser les ressources pour faire face aux agressions
- Entre 13 et 14 heures, pause méridienne où l'on constate un affaissement de la vigilance du cortex cérébral. Moment qui ne se prête ni aux apprentissages, ni aux activités sportives.
- Entre 16 et 20 heures, la température s'élève, reflet du fonctionnement du métabolisme, ce qui entraîne une augmentation de la force musculaire. C'est le bon moment pour les activités ludiques et les pratiques sportives.3. Le débat sur le mercredi ou le samedi est inutile. Si les enfants sont fatigués, c'est parce qu'ils ne dorment pas assez. Il est très important que la semaine soit continue pour que l'enfant trouve ses repères. D'ailleurs la France est la seule en Europe à avoir une semaine interrompue. Il est à noter que la semaine de 4 jours a été instituée en 1882 pour permettre de libérer une journée pour la catéchèse.4. Cela n'a pas de sens de parler du temps scolaire sans parler du temps qui précède et du temps qui suit, c'est-à-dire du temps familial. Et dans ce temps, on n'insiste pas assez sur l'importance du temps du sommeil. C'est pourquoi les maires devraient fournir aux familles une information de qualité sur l'importance du sommeil de l'enfant.5. Les échanges sociaux sont aussi très importants. Les enfants ont besoin de libérer leurs émotions, d'avoir des moments de liberté de parole. Cela apporte de la confiance en soi et de l'estime de soi.Les enfants dont les parents vivent des situations difficiles se sentent en insécurité et finissent par développer un sentiment de culpabilité.La collectivité doit recevoir ces enfants de manière à ce qu'ils arrivent à quitter l'état d'insécurité où ils se trouvent. Pour cela, il faut une structure d'accueil avec un visage d'attachement sécure. Ce lieu doit avoir un mobilier anxiolytique (exemples : aquarium, balancelle, etc.).
6. Avant 9h, les enfants manquent de vigilance pour pouvoir percevoir l'enseignement. Commencer les cours à 8h est improductif.Pendant la pause méridienne (de midi), il ne doit pas y avoir de temps où l'enfant se sentirait abandonné. Les maires doivent prendre cela en compte afin de proposer des activités qui les aident à supporter leur fatigue, réduire leur agressivité : prévoir des endroits où les enfants puissent se mettre en retrait, des couloirs de déambulation pour ceux qui ont envie de marcher.Il est important aussi de réfléchir à la façon de rendre les cantines plus silencieuses. Créer des ilots de trois ou quatre tables pour permettre une certaine intimité.Après le repas, il faut un temps de détente, la possibilité d'une fuite dans la rêverie. Feuilleter des livres, faire des coloriages. Demander à l'enfant ce qu'il aimerait faire, lui permettre de reposer son intellect, faciliter son confort corporel (se coucher, s'asseoir, rester debout, etc.).
7. Il doit y avoir des imbrications entre le troisième temps (terme que le Pr Montagner préfère au terme "périscolaire") et le temps scolaire. Le projet d'école peut parfaitement être intégré dans ce troisième temps.Les maires doivent prendre leur temps pour aller plus loin que de simples activités d'occupation des enfants et faire preuve d'imagination pour proposer des activités enrichissantes. La loi doit être appliquée le mieux possible en tenant compte d'abord de l'intérêt de l'enfant.8. Une semaine de l'enfant devrait être organisée à la fin du mois d'août. Les enfants pourraient ainsi prendre contact avec les personnes qu'ils côtoieront tout au long de l'année scolaire à venir.Durant la première semaine de septembre, un forum pourrait être organisé pour présenter le menu des activités proposées et permettre aux enfants de se projeter dans l'année qui commence. Ce serait en quelque sorte une charnière de décompression et de préparation.
L'intervention de C. Centlivre :
Préambule : ce témoignage est un exemple concret de ce qui peut être fait. Il est adapté à la situation d'Eguisheim, village du vignoble. Il ne sera pas appliqué à la lettre par notre équipe. Nous revendiquons par exemple la gratuité des activités du 3ème temps.
Constat :



La ville
d'Eguisheim compte 180 élèves pour 1 800 habitants. Le Maire et sa municipalité ont décidé d'y aller de suite pour fidéliser les animateurs et éviter les tensions provoquées par la proximité des élections.
Un chemin des écoliers a été élaboré (qui peut être assimilé à un couloir
de déambulation).
La première concertation avec les enseignants faisait ressortir 7 enseignants
en accord et 1 refus. Les parents d'élèves
ont compris qu'il fallait remettre l'enfant au centre de notre intérêt.
Il y a eu 14 accords et 2 refus.
Les nouveaux
horaires et activités
sont appliqués
depuis 2012. 45 minutes ont été dégagées chaque jour et regroupées en 2 x 45 mn les lundis et mardis, avec des activités diverses, telles que arts plastiques, théâtre, multimédia,
cirque...... Ces activités
sont regroupées
en modules, 5 sur une année
scolaire. Chaque module se termine aux vacances scolaires.
Le jeudi, les 45
minutes sont réservées aux enseignants pour les APC (Activités Pédagogiques Complémentaires). Le mercredi après-midi
est libre et le vendredi les enfants sont libres à partir de 15 h 15 pour permettre de prolonger le week-end.
Les activités ne sont pas obligatoires ; 120 enfants (sur 180) sont inscrits.
Les enfants ont le choix de s'inscrire aux activités, d'aller au périscolaire
ou de rentrer chez eux. L'association Archimène (de Colmar) a procuré un
bon nombre d'animateurs.
Pour ne pas faire
de concurrence au périscolaire,
la gratuité n'a
pas été retenue. Le coût
est de 1,25 € pour
45 mn soit 2,50 € la séance pour un coût
total de 17,50 € par
module.
Le coût pour la commune est de 18 000 €. L'Etat verse 9 000 € (50 € par enfant inscrit aux activités ou non). La participation des parents est de 4 000 €. Il reste à la
charge de la commune 5 000 €.
Le principal
argument avancé par
les opposants était
qu'on allait augmenter les impôts,
ce à quoi
le maire répond
qu'on n'augmente pas les impôts mais que l'on fait des choix.
Le premier bilan
après
neuf semaines établit
un gros indice de satisfaction auprès des enseignants. Beaucoup d'enfants ont acquis de l'aisance dans
leur travail. Les enfants rencontrent d'autres personnes, ont une ouverture importante
vers d'autres activités
qu'ils n'auraient sans doute jamais eu l'occasion de pratiquer. Les parents
sont également
satisfaits.
Un aménagement en maternelle a été fait
pour les enfants qui faisaient la sieste. On ne les réveille plus, une aide maternelle est présente et appelle les parents lorsque l'enfant est réveillé.
La conclusion du
Maire est qu'il faut faire beaucoup de concertations, expliquer, écouter.
Il ne faut pas
"d'enfants perdus". Il faut les sécuriser, surtout les "entrants" (maternelles, CP).
Inciter les
parents à dialoguer
avec les enfants. Ne pas considérer
les enfants comme des paquets qu'on dépose à l'école ou au périscolaire.
L'enfant doit être sécurisé et savoir ce qu'il va faire le lendemain.
Le Maire
constate que pour que cela fonctionne, un point doit être fait après
chaque module.
Il constate également que des volontaires se sont proposés pour animer des activités alors qu'au début, il n'y avait que des personnes salariées extérieures.
Il fait
remarquer le bilan publié par
l'Association des Maires de France qui fait état
de 83 % de maires
satisfaits parmi ceux qui ont engagé la réforme
en septembre 2013.
En conclusion , le Maire d'Eguisheim affirme que "ça fonctionne, mais il faut mettre l'enfant au centre."
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